Jamais assez
Fabrice Lambert
tue 05 Apr 2016
Fabrice Lambert
Une danse nucléaire
À l’ouest de la Finlande, des milliers de tonnes de déchets radioactifs seront enfouis, à partir de 2020, et pendant encore cent ans, pour les… 100.000 ans à venir ! Partant de la folle histoire de ce « projet Onkalo », Fabrice Lambert questionne la capacité de l’humanité à concevoir son propre avenir : « Ce qui m’intéresse, c’est la mythologie contemporaine, le fantasme d’une construction qui survivrait à l’homme pendant un temps démesuré, face au plaisir immédiat, cette valeur très contemporaine.» Masse légère de dix danseurs, puissants rayonnements des lumières de Philippe Gladieux ; la veine chorégraphique se nourrit d’une écriture énergique, ciselée, à la fois fluide et chaotique. Vers une danse nucléaire, non toxique et sans déchets !
- durée estimée du spectacle : 1h
« 250 000 tonnes de déchets radioactifs dans le monde, déclarés nocifs pour 100 000 ans. Il paraît que le nucléaire est une bonne affaire, sauf pour celui qui descend la poubelle. La science du futur, sa puissance est en passe d’imaginer l’inconcevable, des planques radioactives, enfouies pour des milliers d’années dans le secret du sous-sol. L’actuel chantier d’Onkalo est cette cachette ou le feu éternel devrait être en partie enfermé. Un véritable mythe d’aujourd’hui que le documentaire du réalisateur danois Michael Madsen, Into Eternity a fait connaître du grand public. Initié il y a dix ans et prévu pour une centaine d’années, ce titanesque chantier public est fait pour durer 100 000 ans.
Science et fiction, présent et futur, cette pensée du temps fascine et cette matière, sa puissance indéfectible, si créatrice et destructrice pour l’espèce humaine ne peut qu’attirer chercheurs et artistes, et parmi eux, ceux qui ont fait métier du corps et de l’espace, ceux qui font œuvre des gestes et du temps. Fabrice Lambert, dont la démarche artistique montre un fort rapport à la matière, a déjà bien souvent expérimenté comment le monde au-dessus du sol est instable.
Aujourd’hui fasciné par l’incroyable entreprise d’Onkalo découverte par le chorégraphe peu de temps après l’accident de Fukushima, Fabrice Lambert s’en est inspiré. « Un projet de cette ampleur temporelle est une première dans l’histoire de l’Homme. Comment comprendre et s’impliquer dans une telle durée ? C’est au-delà de ce que l’on peut imaginer. » Jamais assez se laisse emporter par ce défi, par l’idée d’un acte aussi insensé et son débordement temporel. Si l’énergie est notre principale monnaie d’échange, le chorégraphe a focalisé sa recherche entre l’espace et les corps, modulant une écriture singulière attachée aux éléments et à la circulation de leurs phénomènes.
Bruits de lave, sons, allant vers une rythmique enlevée ; étincelle partant du sol, noyau en fusion évoquant les danses anciennes et autres rituels de feu entre autre au Mexique ; mémoire de danse renouant avec son apparition, combustion et cendres y sont autant de références, de pistes de travail avec lesquelles les dix interprètes de cette création ont développé un imaginaire commun autour d’une question centrale : « Que serait une danse du feu aujourd’hui ? »
Dans Jamais assez, dix figures, autant de Prométhée(s), s’élancent et structurent cet espace de débordement qui se déploie à travers cycles, souffle et mythologie moderne du feu. Car il faut un potentiel insensé pour déplacer l’impossible, et la danse souvent ne peut surgir qu’après se sentir dévorée par ces « délires-mondes » qui hantent les corps.
Avec Jamais Assez, Fabrice Lambert poursuit sa quête, entre science, nature et corps, déployant un monde physique aux paysages intenses. »
Irène Filiberti
création L’expérience Harmaat - chorégraphie Fabrice Lambert - assistance à la chorégraphie Hanna Hedman - avec Aina Alegre, Jérôme Andrieu, Mathieu Burner, Vincent Delétang, Lorenzo De Angelis, Corinne Garcia, Julie Guibert, Hanna Hedman, Yannick Hugron, Jung-Ae Kim - lumières Philippe Gladieux - son Marek Havlicek - scénographie, costumes Thierry Grapotte - vortex Guillaume Cousin - régie lumière Anthony Merlaud - régie générale Christian Le Moulinier - direction de production Olivier Stora