Le crocodile trompeur / didon et énée
Henry Purcell
fri 25 Sep – sat 26 Sep 2015
Henry Purcell
Esprit farceur pour opéra tragique
« Crocodile trompeur » : ce sont les mots que lance Didon, reine de Carthage, à l’adresse du prince troyen Énée, lorsque ce dernier l’informe de son départ pour l’Italie. Leurs amours contrariés ont inspiré à Henry Purcell un chef d’œuvre d’opéra baroque. Trois siècles plus tard, Jeanne Candel et Samuel Achache en reprennent le cours, sous la direction musicale du jazzman Florent Hubert. Si la partition de Purcell, même transposée dans de nouvelles et vives couleurs, est respectée dans son intégrité, la mise en scène et le jeu des acteurs-chanteurs s’en donnent à cœur joie. Sur fond d’éboulis (les ruines de Carthage), la tragédie prend ici des allures de farce savamment dosée, où le sens de l’absurde et du décalage touche à l’euphorie.
- durée estimée du spectacle : 1h50
INTERVIEWS SUR FRANCE CULTURE - Samuel Achache et Jeanne Candel dans Pas la peine de crier
- critique du spectacle dans La dispute
- interview de Judith Chemla dans La grande table
BRICOLER L’OPÉRA / ÉCRIRE AU PLATEAU
« Dans son sens ancien, le verbe bricoler s’applique au jeu de balle et de billard, à la chasse et à l’équitation, mais toujours pour évoquer un mouvement incident: celui de la balle qui rebondit, du chien qui divague, celui du cheval qui s’écarte de la ligne droite pour éviter un obstacle ». (Lévi- Strauss, La pensée sauvage)
Nous avons souhaité un opéra théâtral d’après l’opéra baroque de Purcell Didon et Énée et d’autres matériaux glanés au fil des répétitions dans la littérature (Énéide de Virgile, Sonnets de Shakespeare par exemple), le cinéma, le documentaire ou la peinture. Cette œuvre composite est portée par une équipe de musiciens qui ne sont pas « faits » a priori pour jouer cette musique, qui ne sont pas des musiciens baroques, mais venant du jazz et des chanteurs qui sont avant tout acteurs. Les musiciens de jazz ont des méthodes de travail qui présentent des similitudes évidentes avec celles des acteurs tels que nous les envisageons lors d’une création collective (l’improvisation par exemple, l’arrangement d’une œuvre préexistante…). Tous les participants du projet sont co-auteurs de cette création, qu’ils soient musiciens, acteurs / chanteurs ou scénographe ; le processus de répétition s’appuie sur les provocations, les contraintes et cadres formulés par les metteurs en scènes : les questions portent tant sur la musique que sur la représentation. Il n’y a pas de séparation entre la musique et l’action théâtrale, tout est mis en chantier dans le même temps et le même espace.
Didon et Enée se prête parfaitement à ce type de reconstruction : à la lecture du livret de Nahum Tate, on est frappé par sa simplicité littéraire. Le texte fait état des sentiments des personnages. Il y a une certaine grossièreté des affects, leur subtilité ne se situe pas dans leur expression littéraire. Les personnages énoncent leurs passions comme des slogans, comme des titres, ils nous les signalent. Il n’y a pas de « psychologie », de moments transitoires d’un sentiment à un autre, jusqu’à la mort de Didon, où elle annonce qu’elle meurt de chagrin, et meurt sans d’autres formes d’explication. Cette brutalité-là doit être traitée dans le jeu et dans l’action sur scène, c’est là aussi que réside la violence de l’opéra. Il s’agit de garder le côté abrupt des mouvements passionnels, et d’inventer leurs transpositions au plateau en s’appuyant sur la suggestion plus que sur la « représentation réaliste » des actions. C’est la musique qui porte les subtilités de l’action. La maigreur du texte sera rejointe par la maigreur du jeu des acteurs/chanteurs, son essentialisation.
La grandeur des passions des personnages et de la musique peut effrayer les acteurs, mais ce vers quoi nous tendons, c’est faire descendre les rôles à notre hauteur, plutôt que de tenter de les atteindre, sans qu’ils perdent de leur beauté, mais peut-être de leur superbe.
EXTRAITS DE PRESSE
« Dans cette farce contemporaine calquée sur une trame antique, c’est tout naturellement, et en improvisateurs patentés, que tous les membres de la troupe hissent la partition baroque de Purcell vers l’énergie du jazz et réunissent à trouver ce point d’équilibre ou la musique est action. » Les Inrockuptibles
« Chacun ici mériterait d’être cité, car la réussite de l’entreprise tient à l’éclat de ces talents ligués et chacun déploie tout l’arc-en-ciel de dons qui s’irisent de nuances délicates ou cocasses. Au centre, la belle et malheureuse reine de Carthage, chante comme elle respire, femme sublime et enfantine. » Le Figaro
« Jeunesse glorieuse et jubilatoire de cette troupe qui sait tout faire : Le Crocodile trompeur est l’incarnation à plusieurs d’un détraquement, menée comme si chaque acteur-musicien-chanteur était un membre d’un même corps passionné. » Libération
« Contrebasses, clarinette, saxophone, violon, trompette et batterie composent l’orchestre réuni par Florent Hubert, un orchestre qui fait mieux qu’être totalement intégré à l’action théâtrale, mais où les instruments deviennent des acteurs à part entière. Il faut dire qu’ils accompagnent des acteurs qui, eux, sont de sacrés instruments, et qui jouent avec les codes de l’opéra avec une euphorie communicative » Le Monde
création C.I.C.T. Théâtre des Bouffes du Nord - d’après Henry Purcell et autres matériaux - mise en scène Samuel Achache, Jeanne Candel - direction musicale Florent Hubert - arrangement musical collectif - direction chorale Jeanne Sicre - scénographie Lisa Navarro - lumières Vyara Stefanova - costumes Pauline Kieffer - construction des décors François Gauthier-Lafaye, Didier Raymond, Pierre- Guilhem Costes - avec Matthieu Bloch, Anne-Emmanuelle Davy, Vladislav Galard, Florent Hubert, Clément Janinet, Olivier Laisney, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard, Jan Peters, Jeanne Sicre, Marion Sicre et Lawrence Williams.