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Christophe Rulhes I Julien Cassier - Le GdRA
mar 13 mars – mer 14 mars 2018
Christophe Rulhes I Julien Cassier - Le GdRA
À l’heure de l’Anthropocène, l’impact de l’Homme sur son écosystème n’est plus à démontrer… mais quid de la diversité culturelle et linguistique ? Si de nombreuses espèces végétales et animales disparaissent au fil du temps, il en va de même pour les langues. Alors, le chercheur en anthropologie et musicien Christophe Rulhes se souvient des mots de son grand-père, qui parlait l’occitan lorsqu’il était enfant… Avec son complice Julien Cassier, Christophe Rulhes convie deux acrobates-danseurs originaires de Madagascar et d’Afrique du Sud. Récits, musique, danse, cirque et vidéo se mêlent avec générosité aux langues occitane, xhosa et mérina pour laisser entendre la richesse émotionnelle que recèlent les mots.
NOTE D’INTENTION
Il existe sur Terre une forte corrélation entre la biodiversité et la diversité linguistique. Là où poussent les arbres se parlent les langues. J’aimerais découvrir un de ces territoires hyper-divers en faune et en flore où les hommes s’autorisent la pluralité linguistique, la différence, l’altérité de parole. Cette richesse qui réunit les plantes, les bêtes, les langues et les humains, les linguistes et biologistes l’appellent de consort « la diversité biolinguistique ». Voilà maintenant dix ans qu’ils la nomment comme telle et la décrivent. Ils la voient dépérir d’ici à 100 ans.
A huit ans, j’ai enregistré au magnétophone mon grand-père paternel qui ne parlait que l’occitan, il disait « le patois ». Cet homme, je l’appelais « Always », l’un des premiers mots anglais appris auprès de ma grande sœur. « Toujours » : je le rêvais éternel. A la question « qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ? », il a couché sur la bande magnétique une voix douce, vague histoire de chevreaux qu’il venait de faire naître, avec un accent pétri d’un occitan maintenant disparu. Quatre ans plus tard, alors jeune adolescent, je lui tenais la main au moment de sa mort.
Cet homme aurait-il pu vibrer en présence du grand-père de Maheriniaina, de Julien ou de Lizo ? J’aime voir le monde ainsi. Tous des Xhosas, des Mernes, des Roergats occitans, des Lakotas, des Yanomamis, des Ojibwas, des Dogons, des habitants de la Busserine à Marseille, du 93 à Saint-Denis ou du 19ème à Paris. Du moins ai-je la sensation de porter le regard depuis ce point de vue là, celui de l’autochtone, de l’indigène, du résistant, du prétendu perdant, du paysan, du cueilleur, du prétendu moindre, de l’habitant du quartier populaire, du voyageur un temps perdu. C’est ce regard là que j’ai la prétention de voir riche, prometteur pour l’avenir, adaptable aux enjeux écologiques qui nous attendent.
Je cherche à restituer ces sensations dans des émotions plus vastes qui nourrissent nos écritures scéniques : celles de « la guerre des natures », au fil de laquelle des colons, des gouvernants, des instituteurs, des commerçants, des industriels, des missionnaires et des voyageurs ont détruit des populations entières, afin d’asseoir domination et profit sur le monde des richesses matérielles et naturelles.
Quelles sont ces disparitions violentes, rapides, lentes, très lentes parfois, qui laissent derrière elles quelques souvenirs de danse ou de texte, quelques mots, quelques traces de cultures éparses, affaiblies, en perdition ? Quel est ce temps de l’Anthropocène qui éparpille et détruit les terres, les climats, les hommes, les langues, les animaux, les plantes? Nous tentons d’en capter quelques fragments vers l’expression vivante.
Christophe Rulhes
conception, texte et mise en scène Christophe Rulhes I avec Julien Cassier, Lizo James, Maheriniaina Pierre Ranaivoson, Christophe Rulhes I chorégraphie Julien Cassier I scénographie le GdRA I musique Lizo James, Christophe Rulhes I images le GdRA, Ludovic Burczykowski, Edmond Carrère I costumes Céline Sathal I direction technique David Løchen I lumière Adèle Grépinet I son Pedro Theuriet I administration Frédéric Cauchetier I production, diffusion, presse AlterMachine / Elisabeth Le Coënt & Noura Sairour I ©Loran Chourrau - Le petit Cowboy