Orestie
Eschyle, Romeo Castellucci
ven 08 janv – sam 09 janv 2016
Eschyle, Romeo Castellucci
Puissance du mythe, langage du présage
« J’ai toujours eu le soupçon que le théâtre était pour moi un travail sur le présent exprimé dans le langage du présage. » Avec la Socìetas Raffaello Sanzio, qu’il a créée en 1981 à Cesena, en Italie, Romeo Castellucci a développé une incomparable oeuvre scénique dont les tableaux vivants combinent effroi et beauté. Créée en 1995, son Orestie renoue avec la puissance du mythe pour « mettre en scène les dysfonctionnements de l’être humain dans un cadre humain de ruine artificielle. » Il la recrée vingt ans plus tard avec de nouvelles images à couper le souffle, des corps hors-normes, entre obésité et anorexie : il s’agit pour Castellucci de « redécouvrir une communication élémentaire qui passe directement par le système nerveux, les sensations, et redonne au théâtre sa force et sa spécificité. »
- durée estimée du spectacle : 2h30
Attention : certaines scènes de cette pièce peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, ce spectacle est donc déconseillé aux moins de 16 ans
ENTRETIEN AVEC ROMEO CASTELLUCCI
Quelle urgence vous conduit à reprendre Orestea (una commedia organica ?), exactement vingt ans après sa création ?
« C’est à travers L’Orestie que j’ai rencontré pour la première fois la discipline de la tragédie grecque et je me suis rendu compte que j’étais resté très proche de cette forme esthétique. J’ai pensé qu’il demeurait une tension suffisante dans ce spectacle et qu’il serait intéressant de le donner dans sa capsule temporelle, comme une pierre qui retomberait vingt ans après. Garder exactement la même chose est une forme d’expérimentation pour moi. Aujourd’hui, j’aborderais autrement Agamemnon par exemple. Mais je vais garder l’idée de l’époque, avec Loris, l’acteur trisomique. C’est devenu une pratique commune d’engager des handicapés, mais il y a vingt ans, l’esprit était autre. Il n’y avait aucune éthique dans notre choix, c’était un choix barbare. Mais je vois bien qu’aujourd’hui cela a une autre tonalité et qu’on peut lire les mêmes images d’une autre façon. »
Qu’en sera-t-il du travail sur les corps ? Clytemnestre était énorme, Oreste et Pylade extrêmement maigres, vous travailliez sur les limites.
« Je veux garder la même esthétique. J’avais suivi une voie littérale. Clytemnestre, au niveau étymologique, signifie “la grande dame”. Et ce sera effectivement une dame énorme parce qu’il est question de poids, de gravité, de la possession du plateau selon un principe féminin. »
Peut-on esquisser un parallèle entre le travail fait par Hölderlin sur Sophocle et celui que vous avez fait sur Eschyle ?
« Hölderlin ne découvre pas la Grèce, il est la Grèce. Son travail monumental sur le langage n’a pas été compris à son époque. Il a été ridiculisé par Goethe et Schiller, qui lisaient Ödipus der Tyrann en se moquant. A travers sa traduction, il a restitué à la tragédie son côté barbare, aorgique – un néologisme de Hölderlin – qui veut dire l’organique, le chaos, et fait naître beauté du chaos. Une image de l’aorgique, est dans l’élan simultané vers la vie et la mort d’Empédocle quand il se jette dans le volcan. C’est l’indistinct primordial, le versant oriental de la philosophie grecque. Après Winckelmann on a essayé de nettoyer la pensée grecque en enfouissant sa partie la plus sauvage, celle qui est ancrée dans les mystères, son côté pré-linguistique, féminin. »
Vous évoquiez votre propre côté “barbare” lorsque vous travailliez sur L’Orestie.
« A l’époque j’étudiais l’œuvre de Backhofen. Il s’est concentré sur L’Orestie, parce que cette pièce représente le passage entre le matriarcat et le patriarcat. Le pire des crimes alors, le plus absolu, était le matricide. Pour un matricide, l’entrée dans les mystères d’Eleusis était totalement interdite, dans la mesure où il n’existait aucun pardon de ce crime, parce qu’il était un crime contre la Terre. Mais, malgré des votes également répartis, Oreste est sauvé par le tribunal de l’Aréopage, ce qui n’est pas “juste”. Benjamin souligne que la catharsis n’est pas possible dans ce sens-là, parce qu’il y a quelque chose qui n’est pas résolu. Il faut sauver Oreste parce que ce moment est celui d’un passage culturel d’une portée gigantesque, de la partie primitive, liée à la culture orale, celle de la Terre et des mystères, à celle de l’écriture, à travers un principe vertical et spirituel. Oreste représente le point de passage. Avec Orestea (una commedia organica ?), j’ai voulu “revisiter” L’Orestie du point de vue de Clytemnestre, comme s’il s’agissait de regarder en arrière, du côté du principe vaincu mais qui demeurait cependant le plus important.
d’après Eschyle - mise en scène Romeo Castellucci - musique Scott Gibbons - interprétation Simone Toni, Loris Comandini, Fabio Spadoni, Marika Pugliatti, Nico Note, Georgios Tsiantoulas, Marcus Fassl, Antoine Marchand, Carla Giacchella, Giuseppe Farruggia, Carla Giacchella - assistant à la création lumières Marco Giusti - collaboration à la scénographie Massimiliano Scuto - régisseur général Massimiliano Peyrone - régisseur plateau Lorenzo Martinelli - régisseuse de scène Maria Vittoria Bellingeri - technicien plateau Stefano Mazzola - technicien son Matteo Braglia \ Andrea Melega - technicien lumières Danilo Quattrociocchi - automatisations Giovanna Amoroso, Istvan Zimmermann - accessoires Vito Matera - réalisation costumes Chiara Bocchini et Carmen Castellucci - chargée de production Benedetta Briglia - direction technique Eugenio Resta, Gionni Gardini - promotion et communication Gilda Biasini, Valentina Bertolino - administration Michela Medri, Elisa Bruno, Simona Barducci, Massimiliano Coli - avec la collaboration de “Parco faunistico Zoo delle Star” de Daniel Berquiny - Merci au Centro Protesi INAIL de Vigorso di Budrio (BO) et ANMIL
vendredi 08 janvier à 20h30
samedi 09 janvier à 20h30
à partir de 16 ans