La cantatrice chauve
Eugène Ionesco I Jean-Luc Lagarce - Compagnie Les Intempestifs
jeu 15 févr – ven 16 févr 2018
Eugène Ionesco I Jean-Luc Lagarce - Compagnie Les Intempestifs
Comme il est plus courant de l’être pour des textes, il est des mises en scène d’anthologie. Et il arrive même parfois que des textes d’anthologie deviennent des spectacles d’anthologie ! Il en est ainsi de La Cantatrice chauve, mis en scène en 1991 par Jean-Luc Lagarce. Ce spectacle est aujourd’hui recréé avec la même distribution et dans le même décor qu’alors, tout en restant un spectacle bien vivant ! Sur une pelouse très anglaise, deux couples interchangeables explorent à leur insu les méandres du non-sens et de l’absurde. Et c’est peut-être parce que Jean-Luc Lagarce voyait dans le texte de Ionesco une critique d’une grande profondeur de notre monde « où tout le monde a peur de tout, tout le temps », que sa mise en scène nous parle au présent.
Quand Jean-Luc Lagarce a monté La Cantatrice chauve, il s’est amusé à pousser Ionesco dans ses retranchements, à le mener à l’extrême de l’absurde et du non-sens, et il y est arrivé.
Créé à Montbéliard, le spectacle a pu être présenté dans de grands théâtres, sur de vastes scènes, à des années-lumière de ce qui se fait depuis quelques vingt mille représentations, depuis 1957 sans interruption, à la mini salle de la Huchette.
Dans des couleurs chromo mais ravissantes, avec jardin et cottage tout juste arrachés au couvercle d’une boîte de bonbons anglais, La Cantatrice de Lagarce devenait une époustouflante folie, avec un tourbillon de cinglés courant après leurs marques comme s’ils s’étaient trompés de plateau, mais ne craquant pas au contraire, se faisant un devoir d’assumer avec une sorte de naturel la situation.
Quelque chose – la délicatesse en plus – entre les Monty Python de La Vie de Brian et le Peter Greenaway de Meurtre dans un jardin anglais, plus un zeste des feuilletonesques Atrides américains, genre Dallas et Dynasty fort à la mode en ces années-là, aussi médiatisées que la real télévision de notre XXIe siècle. Populaires, donc.
Et le plus étrange, le plus séduisant était peut-être cette sensibilité nostalgique sous-jacente, quelque chose comme un regret fugace qui, par instant, le temps d’un éclair, d’un souffle, traversait le spectacle, interrompait le rire, laissait un écho d’inquiétude, rapidement évacué. Mais qui, insensiblement, s’était ancré dans la tête, dans le cœur.
Extrait de la préface de Colette Godard pour Traces incertaines, Éd. Les Solitaires Intempestifs, 2002
texte Eugène Ionesco I mise en scène Jean-Luc Lagarce I avec Olivier Achard, Emmanuelle Brunschwig, Christophe Garcia ou François Berreur, Jean-Louis Grinfeld, Mireille Herbstmeyer, Elizabeth Mazev ou Marie-Paule Sirvent I costumes Patricia Dubois I décor Laurent Peduzzi I création lumière Didier Etievant I régie générale et plateau Romuald Boissenin I régie lumière Bernard Guyollot I régie son Jason Richard I regard extérieur François Berreur I ©Christian Berthelot