Les époux
David Lescot
wed 25 May – thu 26 May 2016
David Lescot
dans le cadre de Théâtre & Politique
Dans l’intimité des Ceausescu
Non, le théâtre contemporain n’est pas en mal d’auteurs. David Lescot est l’un de ceux qui prennent la relève, et c’est à lui que la metteure en scène Anne-Laure Liégeois a demandé de retracer la vie des Ceausescu, qui « pendant plus de 20 ans ont fait régner la peur au plus profond de chacun des Roumains, avant de finir exécutés publiquement, devant des caméras de télévision. » Revenir sur leur histoire, c’est ciseler la dimension mythique d’une « fable terrible, mais dont il faut arriver à rire, pour s’en libérer. » Le grotesque n’est pas loin, et Agnès Pontier et Olivier Dutilloy sont parfaits dans la personnification sur scène d’un couple de tyrans qui, comme d’autres avant eux, ont fait du goût du pouvoir une saga démesurée.
- durée estimée du spectacle : 1h20
LA PRESSE
Une dictature de notre temps passée en revue - Anne-Laure Liégeois met en scène un texte puissant de David Lescot sur les époux Ceausescu. Une lecture pertinente de l’histoire récente - Jean Pierre Han pour La Scène / Hiver 2015
Dans la peau de ce couple à la fois ridicule et monstrueux, Agnès Pontier et Olivier Dutilloy font mouche. Ils donnent corps, avec beaucoup de liberté, aux accents burlesques de cette tragi-comédie historique. - Manuel Piolat-Soleymat pour La Terrasse / décembre 2015
Ce spectacle très réussi parvient à donner un aperçu de cette terreur vécue chaque jour. La dictature, c’est l’intime haï et magnifié en un spectacle kitsch. La dictature, c’est une terrible mélodie du bonheur - Willy Boy pour Théâtrorama / 8 février 2016
NOTE D’INTENTION
« Après la fréquentation des époux Macbeth, le désir m’a poursuivie de pénétrer l’intimité d’un autre couple plus contemporain et uni lui aussi par le goût du pouvoir. Les Ceausescu se sont imposés aussitôt, ne serait-ce que parce qu’ils étaient une entité immédiate : LES Ceausescu. Et puis il y avait la Roumanie qui m’est intimement chère ; et puis les années 60 à 80 qui font partie du début de mon histoire ; et puis le communisme qui ne cesse de m’interpeller ; et puis l’intrigante et vicieuse malice des Ceausescu, qu’on retrouve chez beaucoup de dictateurs, celle qui consiste à utiliser le spectacle pour l’exercice de l’autorité ; et puis le besoin de penser encore, comme dans la plupart de mes spectacles, comment l’intime mène le monde. Il y avait aussi la conscience d’avoir vécu à proximité d’un pays violent et de n’avoir rien su, rien vu, ou rien voulu savoir et voir, la nécessité aussi d’en apprendre plus sur le rôle de la France et de l’occident dans cette histoire-là. Essayer de comprendre cela. Il y avait encore le souvenir traumatique de ce procès tronqué, de cette exécution quasi en direct à la télévision, de ces reportages aberrants, le sentiment de ne rien comprendre. Il y avait les textes de David Lescot que j’admirais pour leur rythme et leur engagement, David Lescot avec lequel je n’avais encore jamais travaillé. Et enfin il y avait le désir joueur de passer une commande à un auteur, un auteur qui écrive aujourd’hui un texte d’aujourd’hui pour ces deux comédiens-là, Agnès Pontier et Olivier Dutilloy, sur cette histoire-là et le pari pour moi de mettre en scène un texte commandé. Un texte entier, une pièce de théâtre. Un luxe, un luxe de kamikaze! Il y avait tous ces désirs-là.
Aujourd’hui on est venus entendre parler de la Roumanie, comme on vient à un après-midi de Connaissance du Monde ! Mais de la Roumanie pas vraiment, plutôt d’un couple de dictateurs, les Ceausescu. Alors on est plutôt là comme on va visiter au musée Grévin, Marat dans sa baignoire et Charlotte Corday dont le bras s’anime à notre passage. Ou encore là, comme on est venus voir à San Gimignano l’Enfer de Taddeo di Bartolo - on mettait une lire dans la boîte, presque un tronc d’église, pour que surgisse la lumière chronométrée qui nous dévoilera les supplices infernaux. Ici on est en enfer et on va en visiter deux qui rejouent toujours pour leur supplice, leur histoire. On est au théâtre et deux comédiens rejouent chaque soir la même histoire dans laquelle ils ont été distribués !
La musique folklorique résonne dans la salle, on s’assoit et commence une vague conférence animée par deux commentateurs en costumes folkloriques roumains. Ils racontent l’histoire du couple Ceausescu et ils deviennent progressivement les personnages de ce couple. Ils les jouent. Ils défilent toute leur histoire, l’histoire de deux brutes au pouvoir. De leur enfance à leur exécution. L’espace vide se peuple progressivement d’images, l’image crée le décor de la représentation. On verra l’enterrement de Dej, le couronnement du Conducator, son discours pour la non-intervention en Tchécoslovaquie, la chambre du couple dans laquelle ils étalent les cuillères en or rapportées de France, on verra atterrir De Gaulle, Nixon, on suivra le Procès sous le clignotement des sapins du 25 décembre. Et demain, «n’oubliez pas le guide», les deux conférenciers dans une autre ville raconteront encore la même histoire.
Je crois qu’on rira dans la salle. J’ai ri en lisant, j’ai ri en rêvant la pièce sur la scène, nous avons ri en répétant. Il fallait que ça soit drôle pour que ça soit admissible. »
Anne-Laure Liégeois
création Cie Le Festin - texte David Lescot - mise en scène et scénographie Anne-Laure Liégeois - avec Olivier Dutilloy, Agnès Pontier - images et vidéo Grégory Hiétin - lumières Dominique Borrini - sons François Leymarie - collaboration technique Antoine Gianforcaro - régie lumière Patrice Lechevallier - régie son et vidéo Guillaume Monard - assistance à la mise en scène Audrey Tarpinian