La mouette
Anton Tchekhov, Thomas Ostermeier
mer 30 nov – ven 02 déc 2016
Anton Tchekhov, Thomas Ostermeier
« Une jeune fille passe toute sa vie sur le rivage d’un lac. Elle aime le lac, comme une mouette, et elle est heureuse et libre, comme une mouette. Mais un homme arrive par hasard et quand il la voit, par désœuvrement la fait périr. Comme cette mouette » indique Trigorine, l’artiste reconnu et établi dont tombe éperdument amoureuse l’innocente Nina ‒ elle-même aimée de Tréplev, jeune artiste radical qui écrit une pièce-manifeste contre le théâtre naturaliste. Pièce sur le conflit de générations ? Réflexion sur l’art et le théâtre ? Drame sur les malheurs de l’amour ? Dans une distribution presque identique à celle des Revenants d’Ibsen qu’il avait montée en 2013, Thomas Ostermeier plonge pour la première fois dans la beauté d’un texte de Tchekhov. C’est une Mouette à l’éclat brut, s’envolant jusqu’à notre actualité la plus contemporaine, que signe le magistral directeur de la Schaubühne de Berlin.
« La Mouette est une comédie avec trois rôles de femmes et six rôles d’hommes. Quatre actes, un paysage (vue sur le lac), beaucoup de discours sur la littérature, peu d’action, tout mon poids d’amour » Anton Tchekhov
Anton Tchekhov résume ainsi sa pièce : « La Mouette est une comédie avec trois rôles de femmes et six rôles d’hommes. Quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de discours sur la littérature, peu d’action, cinq tonnes d’amour». Et il dit aussi : «Il n’y a pas besoin de sujet. La vie ne connaît pas de sujet, dans la vie tout est mélangé, le profond et l’insignifiant, le sublime et le ridicule.»
La première représentation de La Mouette à Saint Pétersbourg, le 18 octobre 1896, est un échec. Vera Komissarjevskaïa joue Nina : celle qui passe alors pour la plus grande comédienne russe est tellement intimidée par l’hostilité du public qu’elle en perd sa voix. Il faut attendre la reprise du spectacle deux ans plus tard par Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch-Dantchenko, au Théâtre d’Art de Moscou, pour que La Mouette triomphe. C’est aujourd’hui l’une des pièces les plus connues et les plus jouées de Tchekhov. L’un de ces textes auquel tout metteur en scène envisage de se confronter à un moment ou à un autre. Et la mouette est restée le symbole du Théâtre d’Art de Moscou jusqu’à aujourd’hui.
Dans La Mouette, Treplev se confronte à sa mère Arkadina, actrice à succès, et cherche en vain à lui faire reconnaître sa valeur. Il veut transformer le monde, et pour cela, réinventer la scène, le théâtre. Il veut aussi séduire Nina, jeune actrice à qui il confie le rôle principal de son spectacle. Car l’art est le territoire miné sur lequel tout se joue dans cette pièce : les passions, les conflits, les illusions.
Et si la fonction rédemptrice de la création est mise à mal, l’amour y est aussi une grande source de souffrance : l’instituteur aime Macha qui aime Treplev qui aime Nina qui aime Trigorine, lequel n’aime personne mais est aimé à la fois par Nina et par Arkadina, elle-même adulée par Dorn, lui-même aimé par Paulina qui se détache de Charmaïev. Une ronde de ratages, de malentendus, de douleurs. Dans le mot russe la «mouette» («tchaïka»), il y a le verbe espérer vaguement. Soit une atmosphère qui baigne la pièce, chaque personnage étant tourné vers le futur, en attente d’un changement, d’une transformation. En attente d’irréel.
Antoine Vitez écrivait : « La Mouette est une vaste paraphrase de Hamlet, où Treplev répète Hamlet, Arkadina Gertrude, Trigorine Claudius, Nina (très attirée par l’eau) Ophélie au bord de la folie etc. ».
Théâtre Vidy-Lausanne - mise en scène Thomas Ostermeier - traduction et adaptation Olivier Cadiot, Thomas Ostermeier - musique Nils Ostendorf - scénographie Jan Pappelbaum - avec Bénédicte Cerutti, Valérie Dréville, Cédric Eeckhout, Jean-Pierre Gos, François Loriquet, Sébastien Pouderoux (de la Comédie-Française), Mélodie Richard, Matthieu Sampeur - costumes Nina Wetzel - dramaturgie Peter Kleinert - lumière Marie-Christine Soma - création peinture Katharina Ziemke - dramaturgie Peter Kleinert - ©Arno Declair